Le tanguin, une graine dotée d’une puissance surnaturelle

«Une petite graine toxique, s’insinue d’une manière dynamique dans l’évolution fulgurante que connut la civilisation Merina sous le règne d’Andrianampoinimerina. »

Raymond Gerold, auteur de la Note publiée dans le Bulletin de Madagascar de janvier 1969, poursuit qu’en une vingtaine d’années (1787-1810), ce prince du minuscule territoire d’Ambohimanga sait conquérir toute l’Imerina et en faire, sous son autorité absolue, un royaume unifié et organisé. La stabilité de son État lui permet même de soumettre le vaste domaine des Betsileo.

 

Cerbera venenifera

Le rôle du tanguin dans la vie merina de l’époque, tel qu’on le lit dans les Tantara ny Andriana eto Madagascar est présenté comme celui « d’une authentique plante civilisatrice ». L’arbre qui le produit est le « Cerbera venenifera » Steud, de la famille des Apocynacées et son nom vernaculaire en Imerina est le « tangena ». La graine vénéneuse, «kebona», est encore utilisée dans les années 1960, quoique d’une manière discrète et à très faible dose, en médecine populaire. Sa toxicité est bien établie.

D’après le Dr Edouard Heckel dans « Les plantes utiles de Madagascar » (1910), « la dose légale du tanguin était de deux amandes râpées dans l’eau, soit de quatre grammes au moins. Ce poison est appelé Kisopo ».

Le tangena pousse dans les forêts de l’Est

La plante ne pousse pas en Imerina. Dans l’esprit des anciens habitants de cette province, son site et la toxicité de ses graines sont déterminés par une intervention divine. Raymond Gerold rapporte ce qu’en dit un vieillard : « C’est dans la forêt de l’Est et dans celle du Nord où l’on a trouvé le tanguin, que Dieu l’a pris. Le tronc est en gros bois ramifié et c’est la graine que l’on prend. L’intérieur du fruit du tanguin ressemble à l’intérieur d’une pêche. Il est dur et il faut le briser avec une lance pour en extraire la petite graine qu’il contient.

« C’est là l’instrument de justice qu’on fait boire aux gens. » La pratique du tanguin, en tant que poison d’épreuve, semble remonter aux premiers temps de l’Imerina. Lors de leur migration vers les Hautes-terres, les ancêtres des Merina traversèrent le domaine floristique de l’Est où croit le « Cerbera venenifera ». « Il est donc fort probable que la notion du tanguin leur fut transmise par les ethnies forestières de rencontre, avec lesquelles ils entrèrent en contact. »

Tangena et poulets

L’auteur de la Note continue de citer le vieillard qui le renseigne. « C’est là-bas, à l’est de l’Angavo (la falaise qui borde à l’Est l’Imerina) que se pratiqua pour la première fois l’administration du tanguin aux poulets… ».

À l’origine, en effet, il semble que le poison ordalique n’ait été administré qu’à des animaux. C’est ainsi que le relate l’informateur de l’auteur : « La première épreuve du tanguin que pratiquèrent les ancêtres fut celle par laquelle on l’administre aux poulets ; on ne le fit pas prendre aux gens, mais aux poulets. »

Andrianjaka et le tangena

Sous le règne d’Andrianjaka, au XVIIe siècle, Andrianentoarivo, envoyé dans le Vonizongo, région située au nord de l’Imerina, fait prendre le tanguin directement aux hommes. « Il porta un coup et il eut beaucoup de morts, de telle sorte qu’Andrianjaka ne le laissa plus procéder à l’épreuve. ».

Un peu plus loin, le même narrateur ajoute : « En ce temps-là, le nombre des gens auxquels on faisait prendre le tanguin était minime. »

Poison divin

Andrianampoinimerina a, quant à lui, une conception particulière du tanguin. En tant que plante, elle va lui permettre de transformer un simple instrument de justice en une sorte de puissance surnaturelle. Et voici ce qu’il déclare : « Toutefois, les seules graines qu’on prend sont celles qui sont tombées, on laisse les vertes ; ne prenez pas les fruits qui ne sont pas tombés. Apportez ceux qui y consentent. »

De là est venue l’expression « ne prenez pas un fruit avant qu’il ne soit tombé ». Une manière aussi de dire que le tanguin n’étant pas encore venu jusqu’à vous, on va le prendre pour vous. « Laissez-le procéder selon son gré et selon son sort. »

Dès lors, le poison n’est plus le fait de l’homme, mais le don sacré d’un végétal doté d’une volonté propre. Cette notion de la plante est fortement ancrée dans les croyances populaires. « Ne voit-on pas dans une très ancienne légende, celle d’Andriambavirano, une déesse se transformer en feuille avant de prendre l’aspect d’une femme ? »

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Pour aller plus loin :

http://www.ethnopharmacologia.org/recherche-dans-prelude/?plant_id=1239

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